Paysage de montagnes par un beau matin ensoleillé.
La tranquillité est perturbée par des chèvres sauvages qui courent sur la route, comme perdues, affolées.
La chasse à commencer, peut-être sont-elle apeurées ?
L'une d'entre elle est en mauvais état de santé.
Son train arrière s'affaisse comme si ses reins étaient bloqués et douloureux.
Pendant un long moment, elle ne bouge plus.
Un jeune homme est là, admirant le soleil levant tout en savourant quelques gâteaux.
Il semble jeune, environ 22 ans, large carrure, voiture sportive.
Lorsqu'il voit la chèvre dans ce pauvre état, il la regarde et lui il tend la main doucement, comme pour lui donner quelques morceaux de gâteaux.
Elle vient difficilement jusqu'à lui.
J'observe la scène de loin.
Elle me retourne le ventre cette chèvre.
Et puis, je suis émue de voir l'attitude de ce jeune homme à son égard.
Je prends soudain conscience qu'une partie de mon émotion est liée au fait que cet humain soit un homme.
Qui plus est avec une apparence physique et un matériel que mon "cerveau des stéréotypes" catégorise aussitôt dans "jeune beau gosse qui se la pète avec sa voiture sportive". Donc par ricochet "qui s'en fou de la nature et des animaux non-humains". Et encore plus loin "sans émotion".
Hors, l'attitude de ce jeune homme démonte tout cet enchainement d'interprétations absurdes: je vois en réalité un être humain plein de compassion et de douceur envers une pauvre bête malade.
Ma réaction fait écho à un vieil héritage très ancré qui doit encore être largement déconstruit: celui qui dicte que les femmes compatissent ou s'attendrissent plus facilement et fortement que les hommes. Elles ont le droit, les hommes pas.
La compassion éprouvée à l'égard d'un autre être vivant n'a rien à voir avec les chromosomes XX ou XY, ni avec ce qui fait notre enveloppe externe (le physique, le matériel).
Les hommes devraient-ils correspondre à cette image de stoïcisme émotionnel, de puissance à toute épreuve, de "virilité" (à quoi ce terme correspond-il ?) tellement incrusté dans l’inconscient collectif ? Non.
Au cœur d'une époque gorgée de superficialités qui exploitent à outrance les clichés ségrégationnistes homme/femme, entre une féminité démesurément sexualisée et une masculinité toxique, les deux amochant ce qu'il y a de plus beau dans l'intériorité de l'être humain, j'assiste à cette scène qui annihile tout en quelques minutes pour exprimer ce qu'il y a de plus naturel : la compassion, l'attention, la tristesse face à la souffrance.
La sensibilité n'est pas genrée.
La nature sensible d'une personne - homme ou femme - est une magnifique robe dont se vêtit l'âme.
Elle est précieuse dans un monde trop remplis de violences et de rudesse.
Merci à ce jeune homme d'avoir manifesté sa propre sensibilité ce matin-là.
En honorant la beauté des paysages.
En apportant un peu de délicatesse à cette petite chèvre si faible.
Au-delà d'être hommes ou femmes, nous sommes des êtres humains sensibles.
Gratitude aux hommes qui déconstruisent ces stéréotypes de société et incarnent pleinement toute cette riche palette d'émotions que chaque être vivant a le droit de ressentir.
(Texte : Peggy Naturopathie - Illustration : Henry Escobar - https://escob-art.com/collections).
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